Thursday 9 April 2015

200% de croissance? Une audace pas si folle !



Pourquoi seules les start-ups auraient-elles le droit d'imaginer leur avenir ?


L'IMPRIMERIE, UN MARCHE EN CRISE DURABLE !

Le 26 mars dernier, la Fédération des SCOP de la Communication et le Groupement des métiers de l'Imprimerie et l'Institut du Développement et d'Expertise du Plurimédia organisait le colloque "Excellence & diversification, clés d'une filière graphique transformée". L'industrie de l'imprimerie est en récession depuis plus de 10 ans : baisse des volumes de 5% et de l'indice des prix de 1,3% en 2013. Des dizaines d'entreprises ferment tous les ans sous la pression de la concurrence nationale, internationale (Espagne, Allemagne, Europe de l'Est...), de la numérisation des processus et de la dématérialisation des supports.

Dans ce contexte, poser à des chefs d'entreprise la question "Qu'est-ce qui vous empêche de croitre à 200% ou 300% sur 3 ou 5 ans ?" ne relève-t-il pas de la provocation gratuite ? 


Les patrons de PME présents à la conférence y ont largement partagé leurs contraintes (règlementaires, fiscales, concurrentielles, financières et humaines). D'autres, comme Jessie Gelly (avec la technologie NFC de Tag&Play) et Christophe Delabre (impressions de luxe avec Point44), ont présenté des innovations technologiques en rupture avec l'imprimerie classique.

Néanmoins de nombreux intervenants ont dit que leurs soucis de préservation de leur entreprise ne leur permettait même pas de rêver à de tels taux de croissance. 

Or il est avéré que même dans des marchés en déclin, des entreprises peuvent croître de façon profitable si leur part de marché initiale est relativement faible, ce qui est bien le cas dans le marché français de l'imprimerie qui est composé de plus de 3500 établissement. Et si chaque segment d'industrie est particulier, cette capacité à trouver des relais de croissance à l'intérieur comme à l'extérieur des marchés d'origine est réelle - y compris en temps de crise ! 

La question que nous avons posée et le débat qui en a suivi ont servi de révélateur au fait que trop souvent les chefs d'entreprise se trouvent acculés à adopter des tactiques défensives – comme retarder l'investissement dans une presse offset faute de visibilité du carnet de commande  sans s'autoriser à repenser stratégiquement leur entreprise...avant qu'il ne soit trop tard.
 

OSER PENSER LA CROISSANCE, MEME DANS UN MARCHE EN CRISE

Avec une croissance en 2015 du PNB de la zone Euro de 1,3% et de 0,9% en France (Source : The Economist), l'horizon de nos dirigeants d'entreprise et responsables économiques est sombre. Certains secteurs d'industrie s'en sortent beaucoup mieux, les services de protection des données informatiques sont en forte croissance, mais l'environnement est peu propice aux rêves de croissance à deux chiffres.

Seul contre-exemple, les dizaines d'entreprises qui se créent et sollicitent les business angels partout en France pour leur permettre de faire leurs premières armes sur le marché. Beaucoup de ces "jeunes pousses" apparaissent dans des secteurs réputés saturés ou peu attrayants car dominés par des grands groupes : restauration de rue avec les food-trucks, parfumerie de luxe, nano-technologies, taxis, hôtellerie de plein air, véhicules électriques...

Le contraste est frappant entre ces entrepreneurs qui s'engagent professionnellement et personnellement dans la création de sociétés nouvelles, avec pour projet de créer de la valeur et des emplois par dizaines, et les dirigeants d'entreprise qui luttent pied à pied pour maintenir ou décroître le moins possible leur chiffre d'affaires.

Tous deux font face à des risques mais leur lecture du mot est si différente !

Quand on rencontre les uns et les autres, on s'aperçoit que ces derniers sont tellement pris dans la nasse de l'opérationnel et de la gestion quotidienne de leur entreprise (cf 44% des chefs d'entreprise manquent de temps pour réfléchir à leur stratégie de développement) qu'ils s'autorisent pas - comme nos créateurs de start-up - à imaginer le succès de leur boîte. Evidemment les conditions sont différentes, une jeune entreprise n'a pas à se soucier de maintenir l'emploi de collaborateurs qui sont dans la maison depuis 20 voir 30 ans, mais elles n'interdisent pas l'audace de penser à la croissance.

Il ne s'agit donc pas de faire table rase des réalités humaines et matérielles, mais plutôt de se redonner le droit de penser et d'agir en tant que créateur d'opportunité plutôt qu'en gestionnaire de contraintes inquiet des risques.
 

REGARDER LA REALITE AUTREMENT


Le débat avec les imprimeurs a montré que rares sont ceux qui se soient mis dans la peau d'un créateur de start-up, arrivant dans le marché de l'impression et cherchant à s'y constituer une place solide.

La démarche sous-jacente à la question "Qu'est-ce qui vous empêche de croitre à 200% ou 300% sur 3 ou 5 ans ?"  consiste à adopter une perspective différente. Cette posture permet de redéfinir le marché cible en fonction des besoins latents des clients et non en l'état actuel des offres et marchés ou tels qu'ils furent autrefois au siècle passé. Celle-ci conduit logiquement à rechercher des solutions innovantes dans leur modèle économique, les usages ou les technologies, en questionnant les habitudes et les acquis, et en s'inspirant d'autres métiers et marchés.

Le processus consiste à bâtir un business plan avec la même agilité créatrice qu'un nouvel entrant sur le marché qui voudrait innover. Par exemple, l'adoption d'une stratégie de Blue Ocean en cherchant non pas à créer un imprimeur offset de plus mais à servir un besoin nouveau de communication de masse. Cependant deux travers doivent être soigneusement évités : "réinventer la roue" (avec des réponses du passé) et "sortir du cadre" (avec une réponse déconnectée de l'objet initial).

Cette démarche qui permet de faire ce que les start-uppers appellent un "pivot" avec une démarche "lean", une réorientation stratégique rapide après expérimentation sur le marché, est très différente des méthodes plus classiques. Ainsi le but pour l'imprimeur n'est plus de trouver par tous les moyens une façon d'imprimer plus de pages en quadrichromie pour amortir la dernière presse achetée, mais de se créer une nouvelle place dans l'éco-système de la communication en pleine transformation numérique.

Elle ne s'y oppose donc pas, mais la complémente pour développer une vision stratégique de l'entreprise qui soit motivante pour les actionnaires, les collaborateurs et les clients.


UNE DEMARCHE DE DEVELOPPEMENT INNOVANTE SE FAIT EN EQUIPE



Les dirigeants de PME et ETI n'ont, à la différence des créateurs de start-ups, que peu de temps à consacrer à cette réflexion sur la croissance à deux chiffres. De plus leur expérience ne leur a pas toujours permis d'avoir vécu personnellement cette démarche particulière qui consiste à bâtir un projet d'entreprise autour d'une innovation : usage, processus, technologie, modèle économique, go-to-market, marketing...

L'accompagnement au changement stratégique et opérationnel par des professionnels aguerris à l'innovation est nécessaire pour imaginer et conduire la transformation de l'entreprise, en construisant sur ses bases historiques et son ADN pour se réinventer dans une stratégie de développement ambitieuse. Ce travail collaboratif d'entreprise ouverte est la marque des dirigeants responsables et ambitieux.


Une entreprise - qu'elle aie 10, 20, 50 ans ou plus encore - a autant le droit que les start-ups de d'imaginer son avenir, de croître malgré un environnement difficile, de créer de la valeur pour les clients, les actionnaires,  les collaborateurs, la société. 
Le dirigeant de demain doit s'autoriser à donner vie à son audace et s'entourer en conséquence !